Le calibrage spindown
La quasi-totalité des home-trainers disposent d’un mécanisme de calibrage dit « spindown ». Si tout le monde sait qu’il faut le faire régulièrement, les tenants et les aboutissants de ce réglage sont souvent mal compris.
Petite analyse du sujet pour tenter d’y voir plus clair …
Quelques Rappels techniques
Le but d’un home-trainer est de produire une force de résistance opposable à la force générée par le pédalage. Si l’on s’intéresse de plus près à la force ressentie au cycliste, elle cumule :
- la résistance nominale offerte par l’appareil ;
- les forces de frottements liées au mécanismes internes et à l’interface avec le vélo (le galet).
La première force est voulue, contrôlée et calibrée en usine pour être la plus exacte possible (le plus proche possible de la réalité). Les dernières sont des forces parasites. Elles peuvent être dues :
- à la courroie de transmission interne qui frotte plus ou moins en fonction ;
- à un un pneu plus ou moins gonflé, propre ou usé.
- etc …
De plus, elles sont sensibles aux facteurs environnementaux (température, humidité, etc…). Elles sont donc variables et difficiles à anticiper.
Cependant, elles sont inévitables par construction (sauf le cas très spécifique du Neo – cf article dédié) et les fabricants de home-trainer en ont pleinement conscience. Ils ont donc prévu un mécanisme pour les mesurer et les compenser : le spindown.
Le principe
Tout d’abord, un spindown doit être mené dans des conditions normales d’utilisation du home-trainer. Il doit être installé à sa position habituelle, en température normale d’utilisation (il faut rouler une dizaine de minutes avant), pneu gonflé à la préconisation (pour les wheel-ons). La clé étant d’avoir un contexte maitrisé et reproductible.
Le processus du spindown est d’amener le home-trainer à une vitesse cible puis de le laisser décélérer (d’où le nom). C’est cette décélération qui va permettre de mesurer les frottements.
En effet, si la roue n’était pas exposée à des forces contrariant sa rotation, elle tournerait indéfiniment. Or, les frottements vont faire décélérer la roue qui finira par s’arrêter. Plus ceux-ci vont être importants, plus la décélération va être rapide. C’est donc par l’analyse de la « vitesse de décélération » que le home trainer va pouvoir quantifier ces frottements.
Selon le modèle du home-trainer, la compensation pourra se faire manuellement ou automatiquement.
Les compensations manuelles reposent sur un réglage de tension ou de pression. Dans ces cas, le constructeur a prévu une contribution des frottements dans la résistance générale. Le réglage va permettre de mettre en cohérence cette part dans l’ensemble en augmentant ou en diminuant volontairement les frottements.
Exemple : sur les wheel-on Tacx, il existe une molette sous la pédale refermant l’unité de résistance sur la roue. En jouant sur cette molette, on va augmenter ou diminuer la pression de la roue sur le galet d’entrainement, modifiant ainsi les forces de frottements. L’application de calibrage va observer la décélération, la comparer à une valeur de référence et recommander l’action à appliquer sur la molette (serrage ou desserrage). Il faut ensuite répéter l’opération jusqu’à ce que la décélération obtenue soit dans la plage acceptable – c’est-à-dire au plus proche de la valeur de référence.
Les systèmes automatiques reposent sur un stockage de l’information dans le home-trainer. Ceci permettra d’intégrer l’aspect contributif des forces de frottements directement dans le calcul de la valeur de résistance commandée. Par exemple, si le logiciel demande 50N et que le spindown a révélé que les forces de frottements représentaient 10% du total, le home-trainer appliquera 45 Newtons – laissant le soin aux forces de frottements de fournir les 5 Newtons manquants.
Une fois le calibrage spindown réalisé, le home-trainer sera capable de reproduire la résistance avec fidélité (c’est-à-dire en donnant des résultats constants) – et ce quel que soit son usure ou la pression du pneu !
Par contre, si le calibrage spindown améliore la fidélité, il ne va pas corriger la justesse de la mesure (c’est à dire la capacité nominale de l’appareil à donner des mesures conformes à la réalité). Bien calibré, on pourra donc avoir des mesures fidèles mais non-justes (par exemple sur-estimées de 10%).
Les conséquences d’un mauvais calibrage
En théorie …
Si je ne fais pas mon calibrage, le risque est donc que la résistance que le home-trainer m’oppose soit sur ou sous-estimée.
Au premier abord, on pourrait se dire qu’à puissance produite égale, c’est la vitesse de ma roue arrière qui va être modifiée et que cela est sans conséquence.
En effet, on sait que cette donnée est ignorée par les logiciels de simulation qui recalculent une vitesse « simulée » à partir de la puissance et des paramètres du monde virtuel. Ma puissance produite n’ayant pas variée, je devrais avoir la même vitesse dans le logiciel. Donc pas d’impact !
Or, tout dépend de la source de mesure de puissance :
- Si j’utilise un capteur de puissance externe à mon home-trainer, la mesure ne sera pas altérée et le raisonnement tenu ci-dessus sera juste.
- Si j’utilise le système interne de mon home-trainer, il convient de regarder le mode de détermination de la puissance :
- Soit il se base sur un capteur de puissance, et je serai dans le même cas qu’avec un capteur externe ;
- Soit il utilise une cartographie du couple résistance/vitesse (90% des modèles), et du fait que ces données soient fausses, l’évaluation de la puissance va l’être aussi …
Analysons ce dernier cas : imaginons que le home trainer pense produire 30N (frottements inclus) et que la molette ne soit pas assez serrée ou le pneu dégonflé. Il va se produire un double effet :
- La résistance réelle opposée va être inférieure (par hypothèse, disons qu’elle est 29N).
- La vitesse de la roue arrière va être augmentée par rapport à ce qu’elle aurait de l’être (disons 25 au lieu de 24km/h).
Le home-trainer va donc déterminer la puissance à partir de la résistance qu’il pense avoir (donc une info majorée : 30N au lieu des 29N réel) et prendre en compte la vitesse de la roue (25 au lieu des 24 que l’on aurait dû avoir).
On note que les deux erreurs induites conduisent à des majorations. Ainsi, les erreurs de l’ordre de 3,5%-4% de notre exemple vont générer une erreur de puissance de près de 7,8%. Un cycliste produisant 250 watts aura une mesure de puissance de 270 watts !
Application concrète
On le sait, les pneus, ça se dégonfle …
Imaginons que je ne prends pas soin de contrôler ma pression et mon spindown. Avec le temps, la pression du pneu sur le galet va baisser et avec elle, la résistance que le home trainer m’oppose. Je vais donc aller plus vite et obtenir des mesures de puissance surestimées.
Si le pneu s’était dégonflé brutalement, les variations auraient été importantes. L’écart de performances m’aurait « sauté aux yeux » et j’aurais corrigé tout ça (sinon, je ne peux plus rien pour vous).
Mais si mon pneu se dégonfle lentement, je ne vais pas détecter les petites variations. Je risque même de les interpréter comme une progression. Si je suis un plan d’entrainement et donc que j’enchaine des workouts sans ERG, il existe un effet secondaire particulièrement insidieux à cette autocongratulation : Pendant que je pense m’améliorer, je réalise mes séances avec des puissances mesurées de plus en plus surestimées – donc avec des intensités réelles de plus en plus faibles.
Les plus bornés (ou crédules) diront qu’en progressant, c’est de plus en plus facile. D’autant que ces variations vont se diluer dans la difficulté progressive du plan. Les plus atteints pourront même penser que la baisse du cardio accompagnant l’intensité moindre est une amélioration de leur condition physique…
Mais, leur négligence les installe dans une situation d’entrainement sous-optimal, nuisible à toute progression … Beau paradoxe !
Conclusion
Un calibrage spindown régulier ne corrige pas la justesse de la mesure de précision d’un home-trainer (c’est-à-dire l’écart entre la mesure et sa valeur réelle). Il ne transformera donc pas un wheel-on entrée de gamme en direct-drive haut de gamme.
A défaut, il permettra de garantir la fidélité des résultats (cf. article sur la précision). C’est-à-dire que les résultats seront consistants entre eux et qu’il sera possible de les comparer au fil du temps.
Pour l’entrainement, cette reproductibilité est bien plus importante que l’exactitude absolue de la mesure. C’est cette qualité qui permettra de jauger vos progrès et doser de manière optimale les exercices.
L’exactitude n’est nécessaire que pour se comparer aux autres, donc pour les courses. Mais, il faut s’entrainer avant.
En attendant, calibrez ! Sinon, vous irez en enfer …
Pour aller plus loin …
Suivi des versions
- 28 Novembre 2019 : Publication initiale
- 13 février 2020 :
- Ajout de la référence au Neo
- Corrections de forme
Bonjour,
pour le calibrage, on est d’accord que le Tacx Blue Twist, ne peut se calibrer que manuellement via la petite molette sous la pédale. On ne peut rien mesurer, ou je me trompe?
Car comment mesurer les frottements?
Merci beaucoup?
Seb
Salut,
Effectivement, le Tacx blue Twist est un trainer classique …
Comme tous les wheel-on de Tacx (comme le vortex ou le flow, il se règle grâce a la molette sous la pédale de fermeture.
Malheureusement, comme tu n’as aucun retour pour mesurer les frottements, il est impossible de régler avec précision.
Il faut donc se baser sur ses sensations pour essayer de trouver un réglage cohérent.
Bien à toi
Merci, c’est ce qui me semblait.
Mais n’y aurait il pas un moyen en chronométrant la décélération?
Oui, c’est le principe, mais encore faudrait-il avoir une référence à laquelle comparer ton chronométrage … Peut-être en interrogeant le support de Tacx ?